Depuis un moment, on tente d’essayer d’apprendre un peu, modestement, le japonais. Tâche ô combien ardue. Plusieurs ressources m’aident bien, comme Robert Patrick, déjà cité, et aussi, les articles bilingues de Japan Times, découverts grâce à MarionChan.

Celui du 27 août 2012, de Makiko Itoh, The bittersweet taste of japanese words, m’a bien plu. Il illustre la faculté qu’ont les japonais de créer des expressions étranges à partir du vocabulaire culinaire.

Ainsi, amai (甘い), qui signifie normalement « sucré », n’est pas du tout un compliment comme on pourrait le penser. Pas question de « mon petit canard en sucre », « mon sucre d’orge » ou « sugar » et « honey« , qu’un homme bien intentionné (normalement) utilise pour cajoler sa dulcinée. En japonais,  quand on dit que quelqu’un est amai, on le traite. (J’ai la nostalgie de mes cours de récrés… »Oué m’dame, il m’a traité!! ») Oui, donc, en japonais, on emploie ce mot pour décrire une personne naïve ou « qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez ». Sympa. L’auteur nous donne un exemple d’un visage amai, je vous le donne en mille: Justin Bieber. C’est même pas moi qui le dit. Je vous disais bien que les Japonais ne sont pas fans, fans de sucre. Alors si un japonais te traite de dessert à la Justin Bieber, tu peux lui faire la prise du scorpion!

La langue japonaise est remplie d’expressions de ce genre, avec du vocabulaire alimentaire, mais qui ne veulent surtout pas dire ce que vous pensez. (Au passage, « colloquialism » veut dire « expression familière »; la classe, j’apprends aussi l’anglais avec ces articles.)

L’auteur nous donne un autre exemple: celui de Ken Watanabe, un célèbre acteur japonais dont je ferais bien mon 4 heures (mais naaaan, Chéri, je déconne).

Ken Watanabe par Russel Wong 

Il est souvent décrit comme étant shibui (渋い), c’est-à-dire « amer ». On pourrait encore penser que ce n’est pas très gentil, tout ça. Mais le regardant bien, comment pourrait-on en dire du mal, en même temps?! Bingo, ici, shibui veut dire « cool », « beau gosse » mais avec la classe de l’homme mûr, tu vois. Le genre de mec qui plaît aux hommes et aux femmes.

C’est bien connu, les japonais sont assez intrépides en matière de cuisine, ils adorent tester de nouveaux goûts. Donc, si toi tu n’as pas envie d’essayer les intestins de poissons et que tu décides avant même de les avoir goûtés que tu n’aimeras pas, pour eux, tu es tabezugirai (食べず嫌い), soit un « haineux de la cuisine ». Mais ce mot s’applique en général à toute personne qui déteste quelqu’un ou quelque chose au premier abord, sans avoir essayé avant de juger. Une autre façon de le dire, c’est menkui (面食い), qu’on peut traduire par « mangeur de visage« . Il s’agit là encore de quelqu’un qui juge une personne sur son look plutôt que sur sa personnalité.

De la même façon, si on te dit que tu es ajikenai (味気ない, sans goût, c’est pas très sympa non plus et ils ne parlent pas seulement de ta façon de t’habiller. Ils te trouvent juste morne et insignifiant. Une autre façon de le dire, c’est mizukusai (水臭い), qui a l’odeur de l’eau, mais là encore, faux ami:  on l’emploie pour dire distant et hypocrite.

L’odeur de l’eau

Une femme avec des « jambes de radis blanc », daikon ashi (大根足) ne semble pas très sexy. Mais un otankonasu (おたんこなす) ou quelqu’un qui ressemble à une « aubergine sans forme », c’est-à-dire qui est stupide, non plus…

Par contre, c’est chouette si on te dit que tu es mame ou mamemameshī (まめ、まめまめしい); non, on ne te traite pas de haricot, mais on te décrit comme attentif et précis. Le lien est assez difficile à établir, mais bon. Ça me fait penser à Aomame, une des héroïnes du merveilleux livre de Haruki Murakami, 1Q84. Je me rends compte que cet aspect-là du personnage était difficile à voir sans connaître cette subtilité linguistique.

Les lunes de 1Q84

L’auteur nous donne encore d’autres exemples. J’aime bien celui-ci: Abura wo uru (油を売る), qui veut dire « vendre de l’huile », est un euphémisme pour « perdre du temps ». L’origine de l’expression remonte aux temps où l’huile n’était pas raffinée et donc très visqueuse; en acheter au vendeur d’huile revenait à attendre un bon moment que celui-ci la verse d’un gros container dans un petit. Pendant ce temps, les gens restaient assis à passer le temps en se racontant des potins. Comme quoi, même les japonais peuvent perdre du temps. Tout est possible.

En bref, ce genre d’expression est bien difficile à apprendre à moins d’habiter là-bas…Non, je ne vois pas du tout ce que vous voulez dire.